LE COLLIER DE SOIE
IV. LES FONDATIONS DU REIGNE
La porte de l’appartement parisien claqua avec une fermeté qui annonçait son humeur avant même qu’elle ne dise un mot. Alice traversa le vestibule, ses escarpins Louboutin résonnant sur le parquet ciré, son trench-coat beige tombant négligemment sur ses épaules. La journée avait été rude : un client indécis, un tableau surévalué, et des heures passées à négocier avec des collectionneurs capricieux dans son rôle de conseillère en achat d’art. Elle avait besoin de se détendre, de reprendre les rênes là où elle les maîtrisait le mieux – chez elle.
Dans le salon, Nicolas s’activait, un chiffon à la main, astiquant une étagère déjà impeccable. Dans l’appartement flottait une douce odeur, celle d’un boeuf bourguignon, plat mijoté longuement selon des instructions précises qu’il avait reçu durant l’une des ses formations. Il portait une chemise simple et un pantalon ajusté, ses gestes méthodiques trahissant des mois d’entraînement à satisfaire ses attentes. Leur dynamique n’était pas nouvelle : il avait abandonné son travail de photographe pour rester à la maison, s’occuper du ménage, des courses, de la cuisine, tandis qu’elle brillait dans le monde extérieur. Mais ce soir-là, quelque chose dans l’air semblait prêt à basculer.
Alice jeta son sac à main sur le canapé et s’affala dans un fauteuil en velours, croisant les jambes avec une lenteur étudiée. « Nicolas, » lança-t-elle, sa voix tranchante comme une lame sous un voile de douceur. Il se figea, posant le chiffon, mais ne se tourna pas encore. « Viens ici. » Il s’approcha, hésitant, et elle claqua des doigts, désignant le sol devant elle. « À genoux. » Il obéit, s’installant à ses pieds, les yeux baissés, déjà conditionné à ce genre d’ordre informel qu’elle donnait depuis un moment.
Elle retira ses escarpins un à un, les laissant tomber avec un bruit sourd, et étendit ses pieds nus devant lui. « Masse-les, » dit-elle, fermant les yeux un instant pour chasser la tension qui crispait encore ses épaules. Ses doigts s’attelèrent à la tâche, pressant ses talons endoloris avec une prudence qu’elle avait façonnée en lui au fil du temps. Le silence s’étira, ponctué seulement par le crépitement lointain du feu dans la cheminée, jusqu’à ce qu’elle rouvre les yeux et le fixe avec une intensité nouvelle. « J’ai bien réfléchi, il est temps qu’on mette les choses au clair. »
Nicolas releva les yeux, perplexe, mais elle l’interrompit d’un geste de la main. « Reste là. Ne bouge pas. » Elle se leva, traversa la pièce jusqu’à un bureau en acajou, et en sortit une feuille de papier qu’elle avait visiblement préparée à l’avance – un contrat, rédigé dans une écriture élégante, avec des clauses numérotées. Elle revint s’asseoir, le document à la main, et le posa sur ses genoux comme un décret royal. « Écoute bien, » dit-elle, son ton passant de la fatigue à une autorité froide. « Ce soir, on formalise tout ça. Plus de flou. Tu vas m’appartenir, complètement. Voici ce que ça implique. »
Elle déplia la feuille et commença à lire, sa voix claire et implacable. « Clause un : les routines matinales. Tu te lèves à 6h, pas une minute plus tard. Tu prépares mon café – tu mouds les grains, serré, servi dans ma tasse en porcelaine – et un petit-déjeuner selon mes instructions de la veille. Tu me le sers au lit à 7h précises, puis tu t’agenouilles à côté, embrassant mes orteils pour me réveiller doucement, jusqu’à ce que je te dise de partir. Clause deux : tes relations. Tu ne verras plus tes amis – je les trouve idiots, et ils ne méritent pas ton temps. Si tu désobéis, je le saurai, et tu le regretteras. Clause trois : la journée. Tu entretiens l’appartement dans un état impeccable – pas une trace de poussière, pas un objet mal rangé. Si je trouve le moindre défaut, je choisirai la punition : fouet, martinet, ou isolement dans la cave, à ma guise. »
Nicolas l’écoutait, le souffle court, mais elle poursuivit sans lui laisser de répit. « Clause quatre : mes pieds. Ils sont ton horizon, les plantes de mes pieds sont tout ce que tu dois viser à contempler. Chaque soir, quand je rentre du travail, tu les masseras et les lécheras jusqu’à ce que je sois satisfaite. Tu t’occuperas de mes orteils – ils doivent être impeccables, pédicure incluse, vernis appliqué à la perfection. Clause cinq : le soir. Si j’entre dans une pièce où tu es, tu te prosternes immédiatement, front au sol, jusqu’à ce que je te dise de te relever, même si je t’ignore. Tu dormiras au pied de mon lit, sur un tapis, selon mon bon vouloir. Clause six : ton corps. Tu auras une pratique physique quotienne : musculation, cardio… Je t’autorise à en discuter avec moi, l’important est que tu sois en forme pour répondre à toutes mes demandes. Tu porteras une cage de chasteté en permanence – elle ne sera retirée que pour l’hygiène ainsi que les visites chez le médecin, et je superviserai chaque fois. La clé reste autour de mon cou, et ton désir m’appartient exclusivement. »
Elle releva les yeux, un éclat froid dans le regard, et ajouta : « Clause sept : mes chaussures. Tu les entretiendras avec ta langue. Pour mes bottes et bottines, tu mettras le cirage sur ta langue et l’appliqueras directement, en frottant jusqu’à ce qu’elles brillent. Les semelles, intérieures et extérieures, devront être léchées pour enlever toute trace – poussière, boue, tout. Si je vois une marque, tu recommenceras jusqu’à ce que ce soit parfait. » Elle marqua une pause, le scrutant avec une intensité qui le cloua au sol. « Ce contrat n’est pas un jeu, Nicolas. Si tu signes, tu es à moi – un outil, une extension de ma volonté. Chaque clause est non négociable. Tu comprends ? »
Elle attrapa un stylo sur la table basse et le lui tendit, son regard perçant ne laissant aucune place au doute. « Mais avant que tu signes, prouve-moi que tu le mérites. Le repas est prêt ? » Il hocha la tête, la gorge sèche. « Va le chercher. Et apporte-le-moi ici, à genoux. » Nicolas se leva, alla à la cuisine, et revint avec une assiette fumante, qu’il présenta en rampant jusqu’à elle, le plat en équilibre dans ses mains tremblantes. Elle prit l’assiette, goûta une bouchée, et hocha la tête. « Pas mal. Mais ce sera mieux demain, ou tu dormiras sur le palier. »
Elle reposa l’assiette et lui tendit à nouveau le stylo. « Signe, » ordonna-t-elle. Il hésita une fraction de seconde, puis traça son nom au bas de la page, les lettres tremblantes scellant son destin. Alice prit le contrat, le plia avec soin, et se leva pour le ranger dans un tiroir fermé à clé. Puis elle revint, une petite boîte en velours noir à la main – la cage de chasteté, qu’elle avait commandée en prévision de ce moment. « Déshabille-toi, » dit-elle simplement. Il obéit, et elle verrouilla l’appareil sur lui avec une précision froide, la clé glissant autour de son cou comme un bijou de conquête.
« Bien, » murmura-t-elle, satisfaite, en s’asseyant à nouveau. « Maintenant, finis de nettoyer pendant que je mange. Et demain, on commence pour de vrai. » Elle attrapa son assiette et commença à dîner, le laissant là, nu et encagé, un homme réduit à une ombre sous son règne naissant.