LE COLLIER DE SOIE
IX. LES MURMURES DE LA NUIT TOSCANE
La nuit tombait sur la villa toscane, drapant les collines d’un voile indigo piqué d’étoiles. Une brise tiède glissait par les fenêtres ouvertes, caressant les rideaux de lin et portant l’odeur sucrée des figuiers voisins. Alice, installée sur un sofa en velours ocre, feuilletait distraitement un magazine italien, ses ongles laqués effleurant les pages glacées. Elle portait une nuisette de soie noire, légère et fluide, qui glissait sur ses courbes avec une nonchalance étudiée. À ses pieds, Nicolas, nu hormis la cage de chasteté qui brillait faiblement sous la lueur des bougies, attendait en silence, les mains croisées dans le dos.
Elle posa le magazine et étira ses jambes, ses orteils frôlant le sol frais de la terrasse intérieure où il était agenouillé. « La journée a été longue, » soupira-t-elle, plus pour elle-même que pour lui. Puis, d’un geste désinvolte, elle attrapa une clochette en argent posée sur la table basse – un souvenir qu’elle avait exigé qu’il achète au village la veille. Elle l’agita, un tintement cristallin brisant le silence. Nicolas releva les yeux, juste assez pour capter son regard impérieux. « Viens plus près, » ordonna-t-elle, sa voix douce mais inflexible.
Il rampa sur les dalles, s’arrêtant à quelques centimètres de ses pieds nus. Alice se pencha légèrement, ses cheveux tombant en cascade sur une épaule, et attrapa une bouteille d’huile d’olive infusée à la lavande qu’elle avait dénichée dans une boutique locale. Elle en versa quelques gouttes dans sa paume, frottant ses mains avec une lenteur délibérée, emplissant l’air d’un parfum subtil. « Masse-moi les pieds, » dit-elle, tendant une jambe vers lui. « Et fais attention à ne pas en mettre partout. »
Nicolas obéit, ses doigts glissant sur sa peau avec une précision presque mécanique, fruit de mois d’entraînement sous ses ordres. Elle ferma les yeux, laissant échapper un soupir de satisfaction, mais son contrôle ne vacilla pas une seconde. « Plus fort, » murmura-t-elle, et il s’exécuta, ses mains tremblant légèrement sous l’effort et la tension croissante que la cage amplifiait à chaque instant. Elle rouvrit les yeux, un sourire narquois aux lèvres, et retira son pied d’un coup sec. « Ça suffit. Tu es trop lent ce soir. »
Elle se leva, la soie de sa nuisette dansant autour de ses cuisses, et marcha jusqu’à une commode en bois sculpté. Elle en sortit une corde de jute rouge qu’elle avait emportée dans ses bagages – un outil aussi élégant qu’efficace. « Debout, » lança-t-elle sans se retourner. Nicolas se redressa, le cœur battant, tandis qu’elle revenait vers lui, la cordelette pendant entre ses doigts comme une menace délicate. Avec une dextérité experte, elle l’enroula autour de ses poignets, les liant derrière son dos, puis tira légèrement pour tester la tension. « Tu bouges trop à mon goût aujourd’hui, » dit-elle, son souffle effleurant son oreille. « On va arranger ça. »
Elle le guida jusqu’à un tapis épais près de la porte-fenêtre donnant sur la piscine, le forçant à s’agenouiller à nouveau. Puis, avec une lenteur presque théâtrale, elle s’assit sur une chaise face à lui, croisant les jambes. « Regarde-moi, » ordonna-t-elle. Ses yeux plongèrent dans les siens, brillants d’une soumission désespérée qu’elle savoura comme un vin rare. Elle se pencha en avant, ses doigts effleurant la cage métallique qui emprisonnait son désir. « Tu sais que ça m’appartient, n’est-ce pas ? » murmura-t-elle, sa voix basse et envoûtante. Nicolas hocha la tête, incapable de répondre, un gémissement étouffé s’échappant de sa gorge alors qu’elle jouait distraitement avec la clé qu’elle portait en pendentif autour de son cou.
Alice se redressa, satisfaite, et attrapa un éventail en bois peint posé sur la table. Elle l’ouvrit d’un geste sec et commença à s’éventer doucement, l’air frais caressant son visage tandis qu’elle le laissait là, immobile, les poignets liés, le corps tendu par une frustration qu’elle orchestrait avec soin. Après un long silence, elle se leva et déclara : « Suis-moi. Il est temps d’aller au lit. » Elle traversa la villa jusqu’à la chambre principale, ses pas légers résonnant sur le parquet, Nicolas derrière elle, avançant avec précaution pour ne pas trébucher, ses poignets toujours entravés.
Dans la chambre, un grand lit à baldaquin trônait, drapé de draps blancs immaculés. Alice s’assit sur le bord, tapotant la couverture d’un air songeur. « À genoux, » ordonna-t-elle. Il obéit, s’installant au pied du lit. Elle tendit un pied vers lui, les ongles vernis de rouge sombre scintillant dans la pénombre. « Lèche mes orteils. Ça m’aide à m’endormir. » Nicolas approcha son visage, sa langue glissant doucement sur sa peau encore tiède de la journée, chaque mouvement empreint d’une dévotion muette. Elle ferma les yeux, un sourire discret aux lèvres, laissant le rythme régulier de sa langue la bercer comme une mélodie familière. Quand elle sentit le sommeil la gagner, elle retira son pied et murmura : « Assez. »
Elle attrapa alors les sandales dorées qu’il avait posées près de la piscine plus tôt dans la journée, les plaçant juste sous son nez. Avec la cordelette de soie, elle attacha ses poignets à l’un des pieds du lit, ajustant la longueur pour qu’il reste à plat sur le tapis, le visage collé aux sandales. « Tu dormiras là, » dit-elle, sa voix déjà alanguie par la fatigue. « Respire-les bien. C’est tout ce que tu mérites ce soir. » Elle grimpa dans le lit, tirant les draps sur elle avec un soupir satisfait, tandis que Nicolas, immobile, inspirait l’odeur de cuir et de sa peau, son corps tendu par la cage et l’inconfort, mais son esprit entièrement soumis à elle.
Sous les étoiles toscanes, Alice s’endormit en reine, bercée par la certitude de son pouvoir, tandis que Nicolas, au pied de son trône, sombra dans un sommeil agité, un objet vivant façonné pour son plaisir.